Hanoi prépare une offensive pour l'hiver-printemps 1968 dès le début de 1967. On sait peu de chose sur la préparation de l'offensive "Offensive Générale, Soulèvement Général" en raison des réticences vietnamiennes à la révéler et des historiens militaires à la discuter, même des dizaines d'années après. Dans la littérature officielle du régime, la décision de lancer le Tet est souvent présentée comme le résultat de l'échec américain à remporter la guerre rapidement, l'échec des bombardements contre le Nord Vietnam, et le sentiment anti-guerre qui s'exprimait dans la population américaine.
En réalité la décision signale la fin d'un désaccord d'une dizaine d'année au sein de la direction du parti. Les modérés estimaient que la viabilité économique du nord était prioritaire sur un effort de guerre conventionnelle et massive, il suivaient la ligne soviétique de coexistence pacifique, qui prônait la réunification par des moyens politiques. On trouve à la tête de cette faction le théoricien Trường Chinh et le ministre de la défense Võ Nguyên Giáp. Les militants, en revanche, avaient tendance à suivre la politique étrangère dessinée par la République populaire de Chine et appelaient à une réunification par des moyens militaires et rejetaient les négociations. Ce groupe était mené par les "frères Le" - le premier secrétaire du parti Lê Duẩn et Lê Đức Thọ. À partir du milieu des années 60, les militants dictent la conduite dans la guerre au sud Vietnam.
Le général Nguyen Chi Thanh, qui dirige l'effort militaire dans le sud du Vietnam, commissaire politique et commandant en chef faisait partie du camp des militants. Sous son commandement, qui étrangement n'imitait pas la forme de guérilla utilisée par Mao, les nord-vietnamiens avaient suivi étape par étape l'escalade militaire du conflit.
En 1966-1967, après que les alliés ont infligé des pertes massives et détruit l'économie nord-Vietnamienne, les modérés appellent à une révision de la stratégie vers davantage de guérilla et soutiennent que les Américains ne peuvent être défaits par une guerre conventionnelle. Ils prêchent la conduction simultanée de combats et de négociations. En 1967 les choses se dégradent au point que Le Duan ordonne à Thanh d’accroître la part de guérilla .
Une troisième tendance émerge alors, dirigée par le chef du parti, Hô Chi Minh, Lê Đức Thọ, et le ministre des affaires étrangères Nguyen Duy Trinh, qui appelle à des négociations. Pendant les premiers mois de 1967 la stratégie militaire est débattue par radio entre Thanh et son rival pour la direction militaire, Giap. Ce dernier prône la guérilla contrairement à Thanh.
Ces négociations ont d'importantes implications sur la poursuite des livraisons d'équipements, envers lesquelles le nord-Vietnam est totalement dépendant. Pékin prône le modèle militaire utilisé par Mao, sorte de guerre mobile et de guérilla, la Chine souhaite éviter d'être entraînée dans le conflit comme lors de la guerre de Corée. Elle repousse l'idée de négociations quand Moscou les prône de même que la conduite d'une guerre conventionnelle. La position Nord-Vietnamienne consiste dès lors à maintenir un équilibre.
Le 27 juillet 1967, des centaines de pro-soviétiques, modérés du parti, officiers et administrateurs sont arrêtés pour affirmer l'indépendance du pays contre ses alliés étrangers dans ce qui est parfois appelé l'affaire des révisionnistes anti-parti. L'explication de ces arrestations est que le politburo a décidé en faveur d'une offensive générale. La position des militants triomphe : rejet des négociations, abandon de la guérilla, soulèvement général dans les villes du sud Vietnam.
Le plan "Offensive Générale, Soulèvement Général" est ébauché dans les quartiers de Thanh en mai 1967. Le 6 juillet, après avoir fait accepter son plan par le Politburo, Thanh meurt d'un arrêt cardiaque après avoir trop bu.
Les militants estiment que la popularité du gouvernement sud-vietnamien et des Américains est très faible et que la population se soulèverait en leur faveur lors de l'offensive, ce qui permettrait une victoire rapide. Ils tenaient pour acquise l'inefficacité de l'armée du sud. Déclencher l'offensive permettait d'en finir avec les appels aux négociations des colombes, les critiques de la stratégie militaire, les diatribes chinoises sur la perfidie soviétique et les pressions soviétiques à négocier.
La décision de déclencher l'offensive lors du Tet est prise en octobre. Depuis le début du conflit, le Têt « Nguyên Đán », ou célébration du nouvel an, qui se situait entre le 20 janvier et le 19 février, marquait une période de trêve dans les combats. C’était pourquoi, en juillet 1967, les dirigeants du Front national pour la libération du Viêt Nam FNL et de la République démocratique du Viêt Nam décidaient de lancer une attaque surprise à ce moment-là. Contrairement à une croyance répandue, Giap n'est pas l'auteur du plan. Le général l'a seulement revu, probablement en taisant ses critiques pour ne pas être victime de la purge des militants. De toute façon, le blâme d'un échec éventuel serait rejeté sur les militants.
L'opération se diviserait en deux phases : attaques aux frontières pour divertir les forces américaines des véritables objectifs : attaques simultanées sur les bases américaines et les villes du sud Vietnam, en particulier Hue et Saïgon. Une attaque sur Khe Sanh au même moment éloignerait les forces militaires nord-vietnamiennes mais Giap l'estime nécessaire pour assurer le ravitaillement et distraire les Américains. L'offensive vise à convaincre l'opinion sud-vietnamienne, pas américaine, et l'inciter à se soulever.
Selon le général Tran Van Tra, qui remplace Thanh, l'offensive se divise en trois phases : une première à partir du 31 janvier, assaut dans tout le pays principalement par les forces du FNL. En même temps : propagande active pour inciter aux soulèvements et désertions. Le but est d'obtenir une victoire complète ou la formation d'un gouvernement de coalition ainsi que le retrait américain. En cas d'échec, d'autres opérations affaibliraient l'ennemi de façon à obtenir un règlement négocié. La phase 2 est prévue à partir du 5 mai, et la phase 3 à compter du 17 août.
En janvier 1968, 81 000 tonnes de matériel et 200 000 soldats ont déjà fait le voyage vers le Vietnam sud à travers la piste Hô Chi Minh. Pour parfaire son opération, Hanoï déclenche une offensive diplomatique à la fin de 1967, appelant à l'arrêt unilatéral des bombardements sur le Vietnam nord, l'opération Rolling Thunder.
Les renseignements sud-vietnamien et américain estiment les forces communistes au Sud-Vietnam en janvier 1969 à 323 000 hommes dont 160 000 du FLN, 130 000 réguliers de l'armée du nord et 33 000 personnes consacrées à la logistique.
Source : Wikipédia, Victory in Vietnam
A82nd507th